Max de Sarah Cohen-Scali : un roman historique sidérant

Publié le par Flora

Publié dans la collection Scripto de Gallimard, Max est un roman estampillé pour adolescent « à partir de 15 ans ». Et effectivement, ce texte, remarquable à tout point de vue, n’est pas conseillé avant cet âge, tant le contenu peut choquer les sensibilités.

Au départ, une voix s’adresse à nous. C’est celle d’un embryon, sur le point de naître :

«19 avril 1936. Bientôt minuit. Je vais naître dans une minute exactement. Je vais voir le jour le 20 avril. Date anniversaire de notre Fürher. Je serai ainsi béni des dieux germaniques et l’on verra en moi le premier-né de la race suprême. La race aryenne. Celle qui désormais régnera en maître sur le monde. Je suis l’enfant du futur. Conçu sans amour. Sans Dieu. Sans loi. Sans rien d’autre que la force et la rage. Je mordrai au lieu de téter. Je hurlerai au lieu de gazouiller. Je haïrai au lieu d’aimer. Heil Hitler!»

Ce futur bébé quasi omniscient décrit le monde autour de lui. Nous sommes en Allemagne, année 1936.  La future mère a choisi de tomber enceinte et de confier son bébé à Hitler, signant ainsi la clause du programme « Lebensborn » mis en place par Himmler dans les années 30 en Allemagne.

Max naît donc dans une pouponnière parmi d’autres enfants et grandit sans l’affection   de parents mais constamment surveillé, pesé, mesuré sous toutes les coutures par l’équipe du professeur Ebner qui supervise l’éducation des bébés. Parfois, des bébés disparaissent, non-conformes ou porteurs de maladies. Né le même jour qu’Hitler, Max recevra même sa visite, ce qu’il ne manque pas de raconter dans les moindres détails. Plus tard, il devient  la mascotte du centre, évitant l’adoption. Le père que Max revendique, c’est Hitler, sa mère, l’Allemagne. Il ne pleure jamais, semble ne ressentir aucune tristesse :

 « Et puis, je viens à peine de réussir à me détacher d’une mère. Je viens de rayer le mot « maman » de mon vocabulaire. Vous avez été témoin de ce que cette épreuve m’a coûté : j’ai été malade, j’ai maigri, j’ai douté, j’ai eu peur, j’ai failli être embarqué dans la camionnette de livraison, alors, avoir une autre mère, une mère adoptive, quel intérêt ? Je me pose des questions sur ce qu’on attend de moi : va-t-il falloir simuler l’amour pour cette mère ? Comment ? Je crains de ne pas y arriver, je n’ai pas été conçu pour cela. »

Plus tard, les allemands se serviront de ce petit enfant docile en Pologne, kidnappant des enfants pour les intégrer de force dans le programme. Fier de servir le régime nazi, il sera intégré dans une « Napola », école militaire pour parfaire son éducation. Là, il rencontrera Lukas, un juif qui se fait passer pour allemand pour sauver sa peau. En le côtoyant, Max verra ses certitudes vaciller, tout en assistant à la fin du régime nazi…

Par son récit extrêmement documenté, Sarah Cohen-Scali compose un roman historique très prenant et sidérant. Prenant, parce qu’on est entraîné dans une série d’aventures, toutes plus noires les unes que les autres. Sidérant, parce que les horreurs défilent à travers les pages, dans un flot continu. Pourtant, par son aspect documentaire, j’ai appris quantité de choses que je ne connaissais pas, même si ces connaissances sont glaçantes et m’ont rendue mal à l’aise tout au long de ma lecture. Max est un roman difficile de ce point de vue mais absolument nécessaire et totalement réussi.

Max, Sarah Cohen-Scali, Gallimard, collection Scripto, 472 pages, 15.90 euros

Publié dans L'attrape-livres

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