"La tête en friche" de Marie-Sabine Roger
L'autre jour, j'errais chez ma librairie fétiche, à la recherche d'un livre qui m'aurait tendu les bras... Plusieurs titres me tentaient mais j'hésitais... Devrais-je acquérir le dernier
Le Clézio, "Ritournelle de la faim" ? ou me décider plutôt pour
"Les déferlantes" de Claudie Gallay (faute de l'avoir trouvé cet été, mon envie de le
découvrir est passée...) ? Et pourquoi pas le dernier Duteurtre, "les pieds dans l'eau" ? (depuis que j'ai
passé une semaine de vacances à Etretat, j'ai envie de relire Maupassant, de découvrir Arsène Lupin... c'est grave docteur ?).
Bref, j'errais comme une âme en peine, en lisant tout de même les petites fiches confectionnées par les libraires ici et là. Soudain, je tombe sur ce livre, "la tête en
friche", dont la couverture a plutôt de quoi attirer l'oeil !
Et je découvre la quatrième de couverture, plutôt engageante même si je trouve sur le coup que cela ressemble à un coup "marketing" :
"Ce qu'ils mettent au dos des romans, je vais vous dire, c'est à se demander si c'est vraiment écrit pour vous donner l'envie. En tout cas, c'est sûr, c'est pas fait pour les gens comme moi.
Que des mots à coucher dehors - inéluctable, quête fertile, admirable concision, roman polyphonique... - et pas un seul bouquin où je trouve écrit simplement : c'est une histoire qui parle
d'aventures ou d'amour - ou d'Indiens. Et point barre, c'est tout. " (p. 183)
"La tête en friche", c'est la rencontre entre Germain,un homme plutôt privé d'amour dans sa jeunesse, et Margueritte, une vieille dame sans famille. Les deux vont se
découvrir et Germain s'épanouir au contact de la vieille dame.
Germain a grandi sans vraiment d'aide :
"Quand on n'est pas éduqué, comme moi, vous ne pouvez pas savoir comme c'est compliqué la lecture. On lit un mot, c'est bon, on le comprend et le suivant aussi, et le troisième, avec un peu
de chance. On continue, du bout du doigt, huit, neuf, dix, douze, comme ça jusqu'au point. Mais quand on y est, on est bien avancé ! Parce qu'on a beau vouloir tout assembler, pas moyen,
les mots restent en vrac, comme une poignée de boulons et d'écrous jetés dans une boîte. Les gens qui savent, c'est facile, pour eux. Ils se contentent de visser ce qu'il faut là où il faut.
Quinze mots ou vingt mots, ça ne leur fait pas peur, ça s'appelle une phrase. Pour moi, pendant longtemps, c'était bien autre chose. Je savais lire, ça bien sûr, puisque je connaissais mes
lettres. Le problème, c'était le sens. Un livre, c'était un piège à rat pour ma fierté, un putain d'objet hypocrite, qui paraissait innofensif, à voir comme ça.
De l'encre et du papier, la belle affaire ! Un mur, oui. Un mur, oui. Un mur, à s'y casser la tête." (p.54)
Ce que j'ai aimé, c'est écouter comme Germain les lectures de Margueritte : "la peste" de Camus, "la promesse de l'aube" de Romain
Gary, "le vieux qui lisait des romans d'amour" de Sépulveda...
Drôle de livre, drôle de rencontre, drôle de vie parfois ! intéressant, émouvant aussi, jamais larmoyant. Tant mieux !
"La tête en friche", Marie-Sabine Roger, éditions du Rouergue, collection la brune, 217 p., 16.50 €