La bombe Nadia Comaneci, « la petite communiste qui ne souriait jamais »

Publié le par Flora

La bombe Nadia Comaneci, « la petite communiste qui ne souriait jamais »

A travers la destinée fulgurante de Nadia Comaneci, Lola Lafon retranscrit les grandes lignes du parcours de cette jeune fille, qui devint une héroïne dans son pays et le monde entier avant d’être piégée par le régime des Ceausescu.

Son apparition aux jeux olympiques de Montréal de 1976 révèlent la jeune gymnaste à la terre entière : « ce que la petite a effectué à l’instant dézingue le déroulement des chiffres, des mots et des images ». La petite Nadia devient soudain une icône pour le sport et une idole des foules pas encore sentimentales.

A partir de ce point de départ, Lola Lafon imagine, assemble, soude entre eux les fragments de la vie de la jeune gymnaste en Roumanie jusqu’à sa fuite aux Etats-Unis en variant divers supports d’écriture : lettres, retranscription d’appel téléphoniques, extraits d’articles de presse de l’époque, témoignages… Mais dès le départ, l’auteur nous prévient que ce livre « ne prétend pas être une reconstitution historique de la vie de Nadia Comaneci (…). Si les dates, les lieux et les évènements ont été respectés, pour le reste, j’ai choisi de remplir les silences de l’histoire et ceux de l’héroïne et de garder la trace des multiples hypothèses et versions d’un monde évanoui ». Ce sera donc un livre sur ce « robot mécanique de quarante kilos », à la « grâce métallique, efficace ».

Bien sûr, si ce roman est une fiction, il s’appuie néanmoins fortement sur des faits réels, qui appartiennent à l’histoire du sport mais aussi à l’histoire tout court. Et tout en choisissant d’évoquer Nadia, cette « Jeanne d’Arc magnésique », « cette petite fée communiste qui ne souriait jamais », Lola Lafon ressuscite sous sa plume tout un monde englouti aujourd’hui : le rideau de fer qui transforme les athlètes en symboles politiques, la pénurie de la Roumanie sous la dictature des Ceaucescu… Mais surtout, elle décrit une petite fille exceptionnelle, un ogre de perfection que son entraîneur aux dents longues Béla Karolyi va modeler en machine de guerre : « une plante carnivore de dangers dont il faut la gaver ».

Lola Lafon construit de courts chapitres aux titres souvent poétiques, en tout cas évocateurs du parcours de Nadia : « si ça ne saigne pas », « contrat d’insoumission »… Une fois les médailles gagnées, Nadia perdra de sa superbe, cantonnée dans sa Roumanie de plus en plus embourbée dans la dictature. Lola Lafon, en imaginant un dialogue avec ce personnage, oppose l’occident capitaliste avec les pays communistes. Mais loin de se positionner pour l’un ou l’autre camp, l’auteur interroge sur la notion de liberté, au cœur du roman.

A travers Nadia, c’est aussi le corps féminin qui est ausculté, dans ses transformations, dans sa représentation. La gamine surdouée deviendra une femme, ce que beaucoup de journalistes n’ont pas accepté !

« Les Russes ont fasciné le monde entier avec Spoutnik, et, comme les Etats-Unis, ils garderont leur supériorité militaire. La Roumanie, elle, fait de celles que Béla appelle ses « fillettes missiles » le show mondial le plus adorablement fascinant avec l’arme suprême : la bombe Nadia C., qui exécute ce que des spécialistes américains évoquent en ces termes, « de la démence pure, une impossibilité biomécanique ». »

Un roman très intéressant, qui oscille entre biographie poétique et texte objectif.

La petite communiste qui ne souriait jamais de Lola Lafon, Actes sud, 21 euros, 317 pages

Publié dans roman

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A
Je suis tentée, et à la fois le côté biographique me fait hésiter.
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