Charlotte Isabel Hansen - Tore Renberg
Charlotte Isabel Hansen est un roman rempli de bons sentiments et de beaux personnages, qui se dévore en un rien de temps. Mais attention, le propos est loin d’être mièvre. Et le norvégien Tore Renberg déploie une certaine finesse d’analyse dans ce beau roman d’apprentissage à la sauce nordique.
« Maman m’a expliqué que tu étais un étudiant pauvre et que je ne devais pas trop attendre de toi ».
Le fil conducteur est le même que celui d’un autre roman nordique, Rosa Candida de l’islandaise Audur Ava Ólafsdóttir : l’histoire d’un jeune homme qui devient père sans vraiment l’avoir désiré. Si Rosa Candida cultive une douce dinguerie, ici le propos est moins loufoque, quoique c’est souvent très drôle. Tore Renberg ne se prive pas de se moquer gentiment de son héros, le jeune Jarle Klepp, étudiant de vingt-cinq ans qui rêve d’être publié dans une prestigieuse revue littéraire, le« Morgenbladet ». Imbu de lui-même, désirant consacrer sa vie « au service de la pensée », le ciel va brusquement lui tomber sur la tête lorsqu’il apprend, en réalisant un test de paternité, qu’il est le père d’une petite fille de bientôt sept ans, Charlotte Isabel. Cette petite fille, tel un colis envoyé par avion, lui sera confiée pendant toute une semaine.
« Non, en tant que père, il faut prendre ses
responsabilités.
Et si on n’a pas envie de les
prendre ?
Et si la liberté de ne pas prendre de responsabilités était un préalable à
la pensée libre, critique et intellectuelle qu’il est fondamentalement de mon devoir de conquérir si je veux atteindre des sommets intellectuels que certains d’entre nous sont quand même censés
viser ? »
J’adore les romans d’apprentissage et celui-ci est particulièrement savoureux. Evidemment, Jarle tâtonne et
est rempli d'hésitations face au tourbillon provoqué par Charlotte. Il tâtonne mais aussi, en bon intellectuel qui se respecte, il analyse avec curiosité et étonnement les goûts et habitudes de
sa petite fille. Après une « mégaboulette », il va se rattraper lors de l’anniversaire de Charlotte, aidé par tout son entourage,
auparavant de parfaits inconnus pour sa fille : ses copains de fac et de beuveries, son ex-maîtresse féministe, son directeur de thèse, sa voisine Grete et surtout sa mère, Sara (pleine d'un
bon sens dont son propre fils semble complètement dépourvu).
"Elle remarqua également que les enfants sont forts, mais que ce n'est pas pour autant que les adultes doivent les traiter comme des déchets."
Toutes les péripéties du livre sont amusantes car elles se basent sur la confrontation entre deux univers contraires : celui de Charlotte, enfant vive et très attachante, qui aime la princesse Diana et les spice girls et semble encaisser les évènements avec une apparente facilité, et celui de Jarle, ce jeune blanc-bec qui va progressivement mûrir grâce à sa petite fille. Certains passages m’ont fait rire, d’autres monter les larmes aux yeux (ce qui arrive très très rarement). Je me suis terriblement attachée à Charlotte, vive et virevoltante, ainsi qu'à son apprenti de père. C’est frais, naïf parfois mais jamais simpliste.
L'avis d'Yv.
Charlotte Isabel Hansen - Tore Renberg, bibliothèque étrangère, Mercure de France, 371 pages, 23.50 €